Interview recueilli par Fantasy.fr
Quelles sont les raisons qui vous amené à choisir, dans le domaine de l’illustration, le créneau de la Fantasy, du fantastique et de la SF ?
Que ce soit par le texte, l’image peinte ou le cinéma, le côté fantastique, a quelque chose d’attirant pour un enfant. Je suis né en 1970. Quand j’ai été en âge de regarder la télévision arrivaient les séries avec Goldorak, Albator… Au cinéma, c’était l’époque où sortaient Star Wars, Alien, Blade Runner, Les Aventuriers de l’Arche perdue (Pour ne citer qu’eux). Il n’y avait pas encore de magnétoscopes. Aller au cinéma était un événement et les quelques pièces demandées aux parents nous donnaient accès à un monde merveilleux. Dans mon cas c’est l’image qui m’a ouvert à la lecture… Je me suis engouffré dans celle des livres dont vous êtes le héros, Le Seigneur des Anneaux … La découverte des univers de Philippe Druillet, à quinze ans, m’a profondément marqué, puis ceux de Frazetta… La Fantasy n’était pas encore aussi reconnue et commerciale qu’aujourd’hui.
Lorsque vous illustrez un livre, avez-vous le temps de lire l’ouvrage ou travaillez-vous sur des indications de l’éditeur ou de l’auteur ?
Cela dépend et c’est très variable. Il arrive fréquemment que je lise l’ouvrage ou que l’éditeur m’envoie un résumé. Je travaille aussi sur des indications du Directeur Artistique (D.A.) qui a une idée précise de ce qu’il veut…Parfois je suis en contact avec l’auteur mais c’est plus rare.
Quand vous lisez le livre, vous laissez-vous guider par le climat général de l’intrigue ou choisissez-vous une scène qui vous semble représentative de l’histoire ?
Il n’y a pas de règle en la matière, ni de systématisation. Une scène précise peut représenter, à elle seule, une bonne idée de ce qu’est le livre. Un élément mis en valeur peut intriguer le lecteur et lui donner envie de lire ce livre. Cependant, si la mode est aux couvertures colorées, j’aurais tendance à réaliser une couverture sombre et inversement. Ce n’est pas par esprit de contradiction, mais une couverture est une image qui doit se démarquer des autres. Elle a son importance. C’est par elle aussi que passe la promotion du livre. Elle doit donc être belle, attirante voire intrigante et commerciale à la fois.
Dans l’illustration, préférez-vous vous exprimer par symboles plutôt que par description ?
Cela dépend du texte, de son ambiance…Il est souvent dommage, à mon sens, de trop décrire les choses, les personnages. Il vaut mieux donner quelques pistes au "lecteur" de cette image, de laisser son imagination travailler. La notion de mystère est importante sur une "Première de couv." pour éveiller sa curiosité et donc son envie de lire le livre.
Pour vous, quels sont les critères qui font qu’une illustration est réussie ? Que se dressent les poils des avant-bras du romancier ?
Vous faites allusion à ce qu’a écrit Stéphane Marsan à propos de David Gemmell découvrant la couverture française de Légende que j’ai eu l’honneur et le privilège d’illustrer…
Je ne connaissais pas cette anecdote avant de la lire, mais c’est un beau compliment.
Il n’y a pas de critère spécifique, c’est plus du domaine du ressenti, de l’émotion. Je ne sais pas si on peut l’expliquer, le rationaliser. Je sais lorsqu’une couverture n’est pas terrible, lorsque sa réalisation a été laborieuse. J’ai mis en œuvre toute ma technique, épuisé tous les effets picturaux et au bout du compte, il lui manque quelque chose…D’autres fois les choses se mettent en place naturellement, les formes et les couleurs se posent de manière logique, elle est harmonieuse… Pourquoi ? Cela reste un mystère pour moi.
Un élément revient très souvent dans vos œuvres : les armes blanches. Êtes-vous un grand "amateur" de ce type d’armes ? Est-ce parce que c’est l’arme le plus couramment utilisée en Fantasy ?
En réalité j’aime la matière, le métal, ses reflets, ses lumières. On peut lui donner un aspect rouillé, vieilli ou lumineux. J’ai réalisé plusieurs images pour les éditions Bragelonne avec des épées, car c’est aussi dans la logique de la collection.
Quels sont vos sujets de prédilection, ceux que vous préférez mettre en oeuvre ?
L’idée de voyage et d’évasion est présente dans mes réalisations. J’aime voir loin vers l’horizon…même sans jamais pouvoir atteindre ce qu’il y a derrière. Je préfère la suggestion aux choses trop visibles. Elle permet à l’imaginaire de mieux s’exprimer.
Que préférez-vous dessiner : personnages, animaux, paysages ou symboles ?
Sans hésitation : les paysages ! J’affectionne les paysages. Je suis toujours troublé par le fait que les lieux, où les gens ont vécu, leur survivront. Je mets souvent dans mes images des lieux, des panoramas que j’aime, partiellement ou totalement. C’est une manière de les retrouver et …de m’y rendre.
On retrouve très souvent la couleur bleue, déclinée dans tous les tons, dans vos tableaux. Avez-vous une tendresse particulière pour cette couleur ?
J’ai tendance aujourd’hui à privilégier les couleurs bleu-gris, brunes, plus naturelles. Fini les ciels rouges que je réalisais à mes débuts. De plus, le rouge est difficile à imprimer correctement.
Pour la mise en couleurs utilisez-vous les moyens modernes comme l’informatique ?
Généralement non ! Mais il m’arrive, sur certains projets, de "fignoler" les lumières grâce à l’infographie. Sur La Compagnie Noire, par exemple, la mise en couleur bichrome des images des Omnibus est réalisée sur écran. Je pars d’un crayonné que je scanne et je le retravaille sur écran.
Où allez-vous chercher ces paysages torturés qui forment des fonds fabuleux à des forteresses qui donnent le frisson ? Est-ce l’Écosse qui vous inspire ?
Certainement une envie d’être en Ecosse au moment où je peins. C’est un endroit vierge où se mêlent le mystère et la dureté des éléments. C’est une région propice à la contemplation et qui génère des lumières incroyables. Dans un pays pareil l’homme retrouve sa place…J’aimerais que ces lieux restent le plus naturels possible, pouvoir y retourner sans que rien n’ait changé. Je souhaiterais que ce pays garde ce côté immuable…
Vous faites des illustrations depuis 1994. Ne vous êtes-vous pas laissé tenter par la BD, comme nombre de vos collègues ? Pourquoi ?
Je ne veux pas m’enfermer dans des cases…J’aimerais, au contraire, peindre sur des grands formats. Sur quels projets travaillez-vous ?
Dans votre art book, vous présentez une double page qui s’insérerait dans un livre illustré à paraître chez Soleil. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Il s’agit d’un livre illustré sur L’Anneau des Nibelüngen, la légende de Siegfried et Brunhild, d’après un texte de Nicolas Jarry. C’est un livre en cours de réalisation qui devrait sortir courant Avril 2008.
Sinon d’autres projets sont à venir mais c’est encore secret !